Payer les gens pour mentir, cela est-il
possible ? En tout cas, cela a retenu mon attention.
C’est en effet ce que soutient l’auteur,
Michael C. Jensen, de l’article « Paying People to Lie : the
Truth about the Budgeting Process ».
Cet article nous renseigne sur les effets
contreproductifs associés à l’utilisation des budgets ou de seuils d’objectifs
concernant la mesure de performance et le système de rémunération. Payer les
personnes sur la base d’un budget ou de réalisation d’objectifs peut mener les
personnes concernées à se jouer du système et à de la destruction de valeur
pour l’entreprise. En effet à la fois les supérieurs et les subordonnés mentent
dans la formulation des budgets. Eux-mêmes reconnaissent une certaine incitation
au mensonge car s’ils disent la vérité ils sont le plus souvent punis alors
qu’en mentant ils seront récompensés.
Quelles sont les comportements
dysfonctionnels qui font que les budgets ne sont pas pertinents ?
(1) Le mode de rémunération basé sur la réalisation des budgets est souvent
néfaste à la création de valeur. En effet, les managers vont fixer des cibles
qui sont facilement atteignables et feront tout pour qu’elles soient atteintes
quitte à ce que ce soit dommageable pour l’entreprise, le seul objectif étant
pour eux de percevoir leur gratification. La pertinence des prévisions est donc
touchée, celles-ci ne seront le plus souvent qu’une extrapolation approximative
du passé, corrigée des compétences métier des managers. Or comme vous pouvez le
comprendre, il existe un conflit d’intérêt dans cette situation puisque les
personnes qui vont participer à l’élaboration des objectifs devront par la
suite réussir à les réaliser.
(2) Les personnes concernées peuvent avoir des comportements contreproductifs
face à la fixation d’objectifs :
-
Si la direction fixe des objectifs
trop ambitieux alors le salarié perdra toute motivation et productivité sachant
très bien qu’il ne pourra pas les atteindre
-
Si la direction ne met pas des
objectifs assez élevés, alors les managers ne feront que le strict minimum pour
les atteindre. Ils savent en effet que sinon ils se verront contraints d’être
encore plus performants à l’avenir, puisque leur dernier résultat servira de
base pour l’année suivante. Cependant les managers prennent en considération
que l’avenir est quelque peu incertain et ils préfèrent garder une bonne marge
de manœuvre.
Ces comportements peuvent se révéler à
travers divers stratégies de gestion : lissage des bénéfices, maximisation
ou minimisation des résultats… Ce qui peut rapidement dériver en comportements
frauduleux. On peut notamment prendre l’exemple d’Informix, une compagnie de
logiciels, qui avait augmenté ces résultats frauduleusement de 295 millions de
dollars dans les années 1994-1997.
Vous pourrez trouver sur le lien qui suit le
rapport de la SEC sur ce cas de fraude, relevant que les manipulations ont été
faites pour atteindre des objectifs internes de revenus et de résultats.
Rapport de la SEC : http://www.sec.gov/litigation/admin/34-42326.htm
Le processus d’établissement des budgets
peut donc être quelque peu inutile : les réunions durent des heures pour
proposer des budgets dont tout le monde sait très bien qu’ils sont
inacceptables et où chacun négocie dans son intérêt personnel.
Les auteurs ne cherchent cependant pas à
promouvoir la suppression du budget mais juste à repenser son rôle dans le
processus de rémunération. Ils préconisent d’arrêter de rémunérer les personnes
sur la base de réalisation d’objectifs mais sur la valeur de leur réalisation
effective.
Je vous recommande donc de lire cet article,
très intéressant. C’est un article de référence sur le sujet qu’il ne faut pas
manquer. Je vous mets le lien ci-dessous :
Nous trouvons en effet que tous les
analystes et managers sont conscients de ce phénomène, cependant peu
comprennent l’ampleur des coûts générés et comment les diminuer. Or c’est un
cercle vicieux auquel nous pensons qu’il serait bon de mettre un terme.
L’honnêteté ne sera sinon bientôt plus de mise dans les entreprises. Tous les
managers seront bien conscients que mieux vaut mentir et être récompensés que
dire la vérité et se voir punir. Nous pensons que cet état d’esprit peut
rapidement prendre de l’ampleur et toucher toutes les fonctions de l’entreprise
et même les relations avec les partenaires extérieurs.
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