jeudi 15 mars 2012

Réussite d'un management sans budget - Exemple suédois


La Svenska Handelsbanken a mis en œuvre avant tout le monde le modèle formalisé par Robin Fraser et Jeremy Hope (les cofondateurs du Beyond Budgeting Round Table – BBRT). La banque suédoise, présente dans tous les pays scandinaves et en Angleterre, fonctionne, depuis le début des années 70, sans budget, sans objectifs et sans tableaux de bord. Elle a été une entreprise pionnière dans le domaine et elle est pourtant actuellement l’une des banques suédoises les plus rentables. Elle dépasse toutes ses concurrentes en termes de ROE, ratio coût/revenus et ce depuis les 30 dernières années.



Elle a d’ailleurs été consacrée " Bank of the Year 2009” par le business magazine Privata Affärer.

La banque suédoise a en effet traversé les années de crise avec une impressionnante stabilité.


La satisfaction du client est l’objectif clé du modèle. L’objectif est bien partagé par tous, employés comme managers, dans un système de management et de leadership totalement original.

Le modèle se base sur les théories des sciences comportementales : pas d’objectif chiffré, pas d’indicateurs clés de performance, mais une performance soutenue par la priorité accordée à la rentabilité client plutôt qu’à la mesure du profit des unités de création de valeur. Le système est fondé sur une démarche de responsabilisation et une culture du client.



Parmi les 12 principes qui définissent le modèle, 3 facteurs clés déterminants ont retenu notre attention.
Le « Devolved Leadership », tourné exclusivement vers la satisfaction du client, entraîne l’implication maximale de tous.
Le « Adaptative management processes » permet de faire face à toute situation, et constitue une alternative à tout diagnostic prédictif.
Enfin via « l’Ownership risk » découle une responsabilisation individuelle très forte. Les risques sont introduits et gérés au niveau individuel pour un engagement positif des employés.


La responsabilisation des salariés y est maximale, avec bien sûr les avantages et les inconvénients que cela comporte, si bien que 50% d'entre eux n'ont de compte à rendre à personne et sont responsables d’eux-mêmes, du moins au sein de l'entreprise.



Mais il faut bien comprendre qu’aller au-delà des logiques de contrôle ne poursuit pourtant pas une finalité désintéressée. L’objectif est bien la performance.
Cependant nous avons pu nous rendre compte qu’il était alors difficile de proposer des indicateurs chiffrés des résultats de la banque si ce n’est le ratio coûts / revenus, qui est de l’ordre de 40 à 45% dans la banque mentionnée. Cependant si on se penche sur une approche qualitative, celle-ci vient confirmer le succès du modèle que nous vous présentons : Svenska détient de manière constante un taux de satisfaction de ses clients privés qui surpasse largement la moyenne de celui de ses concurrents.



Ce résultat ne nous surprend. En effet, de notre avis, le budget n’est pas un outil idéal dans le cas de la banque Svenska. En effet il est impossible de prévoir ce qui va arriver sur un marché complexe et fluctuant tel que celui de la banque. Il vaut alors mieux ne pas prévoir, et utiliser le temps ainsi dégager pour du travail productif. L’important pour nous est de ne pas laisser l’entreprise sans aucune forme de contrôle. Surtout dans un environnement décentralisé comme celui présenté. Cependant nous estimons que le système de contrôle de gestion mis en place par l’entreprise rempli parfaitement ce rôle. L’entreprise est définie en centres de profits autonomes, ce qui permet de suivre les revenus et les coûts de chaque unité et donc de l’entreprise, ce qui rend non nécessaire la présence de budget.

De plus l’adaptation des systèmes de rémunération nous semble pertinente. Il est en effet lié prioritairement à la satisfaction client, ce qui participe à canaliser les salariés autour de la vision de l’entreprise. Le système d’intéressement aux bénéfices mis en place nous semble intéressant puisqu’il permet une élimination des dépenses injustifiées.
Mais nous nous interrogeons sur ce qu’il peut se passer lors de l’arrivée de nouveaux collaborateurs ?
Enfin, en période de crise, alors que les clients risquent d’être plus rares, quelle est la pérennité d’un modèle dont la raison d’être est en danger ?



Convaincus par l’exemple de cette banque ? Si vous souhaitez en savoir plus, vous pourrez trouver sur le lien suivant http://www.juergendaum.com/news/02_24_2003.htm une interview de Lennart Francke, le directeur financier de la banque suédoise.

Il y explique les raisons qui ont amené la banque a opté pour une gestion sans budget et quelle est l’organisation actuelle du contrôle et en quoi performe-t-elle.

Cette interview peut être riche en enseignements !



4 commentaires:

  1. La Svenska Handelsbanken est un exemple très intéressant pour illustrer la gestion sans budget. Il me semble que, même si elle est de plus petite taille que bien des concurrents, que tous ses indicateurs financiers sont bien mielleurs depuis de nombreuses années.

    Toutefois, j'ai quelques questions:
    - Vous avez décrit trois principes, mais n'y a-t-il aucun d'entre eux qui met l'accent à faire des prévisions ?
    - De plus, la banque fait-elle réellement 0 planification ou prévision ?
    - Ce qui me pousse à ma dernière question que vous avez soulevées, ne pourrait-il pas être dangereux de gérer de la sorte en période de crise ?

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    1. Dans l’exemple proposé, en effet aucun des principes ne met l’accent sur la prévision. Ce vont être des principes de leadership ou de management de la performance. Il n’existe donc en effet ni de mesures de planification ni de mesures de prévisions à proprement parler. Bien sûr il existe un service de contrôle, mais son rôle se résume à suivre très peu d’indicateurs et d’informer les succursales quand elles s’en éloignent trop. Après à eux de mettre en place les actions correctives nécessaires. Il existe des mesures de planification qui consistent à se benchmarker par rapport aux concurrent. En fait le but n’est pas d’atteindre une cible budgétée sur le passé mais d’égaler ou battre les concurrents. En fait l’évolution est continue.
      Enfin concernant la dernière question, pour l’instant les résultats semblent plutôt concluants. En effet selon différentes études, La Svenska Handelsbanken reste depuis plusieurs années consécutives une des banques les plus performantes. Ces ratios sont à chaque fois meilleurs que ceux de ces concurrents. Cela prouve une certaine solidité du modèle.

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  2. Bonjour,

    Il serait intéressant d’évaluer la performance de la Svenska Handelsbanken avec d'autres banques comparables qui utilisent des budgets. Le secteur bancaire est un milieu plutôt conservateur et je ne suis pas certaine que je serais prête à investir dans une banque qui opère sans budget. Selon vous, quel est le secteur plus adapté à la gestion sans budget?

    Bonne journée!

    Maude

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    1. Concernant l’évaluation de la performance, on peut notamment dire que Svenska Handelsbanken est reconnue pour être une des banques les plus rentables du monde. Depuis 2000, son ROI est supérieur à 11% alors qu’il est en dessous de 7% dans la plupart des autres banques. Sa marge sur clients est de 45% contre 30% dans les autres banques. Son ratio Tier1 (1), depuis la crise de subprimes est de 10%, alors que celui des autres banques du monde est compris entre 6 et 8%, ce qui en fait la banque la plus solvable et la plus profitable en même temps que la moins risquée du monde.
      De plus, d’après un classement de l’agence Bloomberg, Svenska est une des meilleures banques au monde. Vous pourrez trouver le classement à l’adresse suivante : https://docs.google.com/viewer?a=v&q=cache:bjMesgGlV08J:www.bloomberglink.com/file_download.php?file%3D1304979442245_worldsstrongestbanks.pdf%26id_file%3D132+bloomberg+ranking+bank&hl=fr&gl=ca&pid=bl&srcid=ADGEESi_PRh2PWsl1g6D_WHffccJf7ptJB0D8vPQPXInswnh3e54mvjB1MZn23tVrsB9yJWSt5LoF8gnTQawS_1TIjiYho2jrL8ZQIVthzeaEcMAt0fKggsNViODsmX8D2tH4epuGzh2&sig=AHIEtbTFakZ2fHOsHFCahQwed_0Lx1Zmkg
      Vous pourrez ainsi comparer les ratios de Svenska présentés après ceux des autres banques comprises dans le classement. La méthodologie est expliquée en fin de page.
      Pour répondre à la deuxième question, c’est vrai que l’environnement est une variable pertinente par rapport à l’utilisation d’une gestion sans budget. Je pense que pour les activités prévisibles, stables et non pertubées avec un carnet de commandes défini à l’avance le budget est un bon prolongement de la planification (on prend souvent l’exemple de la construction navale, avec des programmes de construction de long terme). Alors là la planification stratégique prévisionnelle a un sens. Mais si le secteur d’activité dans lequel vous évoluez comprend la production de biens complexes et très diversifiés, vous ferez alors face à un marché turbulent et vous pouvez ressentir le besoin de vous passer de budget. Il faudra être réactif et savoir s’adapter à l’incertitude, ce que ne permet pas forcément le budget. Après chaque entreprise doit prendre une décision par rapport à sa situation personnelle. Je ne fais que donner des grandes lignes pour aider à la décision. Mais vous pouvez vous trouver en situation stable et ne pas avoir besoin de budget, comme être en situation de turbulence et en avoir besoin. Des secteurs semblent plus prédestinés que d’autres à une gestion sans budget, mais rien n’est immuable pour autant.
      (1) Le Tier1 consiste en la partie jugée la plus solide des capitaux propres des institutions financières. Il rassemble essentiellement le capital social, les réserves et les intérêts minoritaires dans les filiales consolidées moins les actions autodétenues et le goodwill. Le ratio rapportant le Tier 1 au total des actifs ajustés du risque est un indicateur largement utilisé par les régulateurs afin de mesurer le degré de capitalisation des institutions financières. Le minimum requis selon les accords de Bâle I est de 4%. Dans la pratique, la plupart des banques visent au moins 7 %

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