mardi 27 mars 2012

Paying to Lie


Payer les gens pour mentir, cela est-il possible ? En tout cas, cela a retenu mon attention.

C’est en effet ce que soutient l’auteur, Michael C. Jensen, de l’article « Paying People to Lie : the Truth about the Budgeting Process ».

Cet article nous renseigne sur les effets contreproductifs associés à l’utilisation des budgets ou de seuils d’objectifs concernant la mesure de performance et le système de rémunération. Payer les personnes sur la base d’un budget ou de réalisation d’objectifs peut mener les personnes concernées à se jouer du système et à de la destruction de valeur pour l’entreprise. En effet à la fois les supérieurs et les subordonnés mentent dans la formulation des budgets. Eux-mêmes reconnaissent une certaine incitation au mensonge car s’ils disent la vérité ils sont le plus souvent punis alors qu’en mentant ils seront récompensés.

Quelles sont les comportements dysfonctionnels qui font que les budgets ne sont pas pertinents ?

(1)  Le mode de rémunération basé sur la réalisation des budgets est souvent néfaste à la création de valeur. En effet, les managers vont fixer des cibles qui sont facilement atteignables et feront tout pour qu’elles soient atteintes quitte à ce que ce soit dommageable pour l’entreprise, le seul objectif étant pour eux de percevoir leur gratification. La pertinence des prévisions est donc touchée, celles-ci ne seront le plus souvent qu’une extrapolation approximative du passé, corrigée des compétences métier des managers. Or comme vous pouvez le comprendre, il existe un conflit d’intérêt dans cette situation puisque les personnes qui vont participer à l’élaboration des objectifs devront par la suite réussir à les réaliser.

(2)  Les personnes concernées peuvent avoir des comportements contreproductifs face à la fixation d’objectifs :

-       Si la direction fixe des objectifs trop ambitieux alors le salarié perdra toute motivation et productivité sachant très bien qu’il ne pourra pas les atteindre

-       Si la direction ne met pas des objectifs assez élevés, alors les managers ne feront que le strict minimum pour les atteindre. Ils savent en effet que sinon ils se verront contraints d’être encore plus performants à l’avenir, puisque leur dernier résultat servira de base pour l’année suivante. Cependant les managers prennent en considération que l’avenir est quelque peu incertain et ils préfèrent garder une bonne marge de manœuvre.

Ces comportements peuvent se révéler à travers divers stratégies de gestion : lissage des bénéfices, maximisation ou minimisation des résultats… Ce qui peut rapidement dériver en comportements frauduleux. On peut notamment prendre l’exemple d’Informix, une compagnie de logiciels, qui avait augmenté ces résultats frauduleusement de 295 millions de dollars dans les années 1994-1997.

Vous pourrez trouver sur le lien qui suit le rapport de la SEC sur ce cas de fraude, relevant que les manipulations ont été faites pour atteindre des objectifs internes de revenus et de résultats.

Rapport de la SEC : http://www.sec.gov/litigation/admin/34-42326.htm

Le processus d’établissement des budgets peut donc être quelque peu inutile : les réunions durent des heures pour proposer des budgets dont tout le monde sait très bien qu’ils sont inacceptables et où chacun négocie dans son intérêt personnel.

Les auteurs ne cherchent cependant pas à promouvoir la suppression du budget mais juste à repenser son rôle dans le processus de rémunération. Ils préconisent d’arrêter de rémunérer les personnes sur la base de réalisation d’objectifs mais sur la valeur de leur réalisation effective.

Je vous recommande donc de lire cet article, très intéressant. C’est un article de référence sur le sujet qu’il ne faut pas manquer. Je vous mets le lien ci-dessous :


Nous trouvons en effet que tous les analystes et managers sont conscients de ce phénomène, cependant peu comprennent l’ampleur des coûts générés et comment les diminuer. Or c’est un cercle vicieux auquel nous pensons qu’il serait bon de mettre un terme. L’honnêteté ne sera sinon bientôt plus de mise dans les entreprises. Tous les managers seront bien conscients que mieux vaut mentir et être récompensés que dire la vérité et se voir punir. Nous pensons que cet état d’esprit peut rapidement prendre de l’ampleur et toucher toutes les fonctions de l’entreprise et même les relations avec les partenaires extérieurs.




jeudi 15 mars 2012

Réussite d'un management sans budget - Exemple suédois


La Svenska Handelsbanken a mis en œuvre avant tout le monde le modèle formalisé par Robin Fraser et Jeremy Hope (les cofondateurs du Beyond Budgeting Round Table – BBRT). La banque suédoise, présente dans tous les pays scandinaves et en Angleterre, fonctionne, depuis le début des années 70, sans budget, sans objectifs et sans tableaux de bord. Elle a été une entreprise pionnière dans le domaine et elle est pourtant actuellement l’une des banques suédoises les plus rentables. Elle dépasse toutes ses concurrentes en termes de ROE, ratio coût/revenus et ce depuis les 30 dernières années.



Elle a d’ailleurs été consacrée " Bank of the Year 2009” par le business magazine Privata Affärer.

La banque suédoise a en effet traversé les années de crise avec une impressionnante stabilité.


La satisfaction du client est l’objectif clé du modèle. L’objectif est bien partagé par tous, employés comme managers, dans un système de management et de leadership totalement original.

Le modèle se base sur les théories des sciences comportementales : pas d’objectif chiffré, pas d’indicateurs clés de performance, mais une performance soutenue par la priorité accordée à la rentabilité client plutôt qu’à la mesure du profit des unités de création de valeur. Le système est fondé sur une démarche de responsabilisation et une culture du client.



Parmi les 12 principes qui définissent le modèle, 3 facteurs clés déterminants ont retenu notre attention.
Le « Devolved Leadership », tourné exclusivement vers la satisfaction du client, entraîne l’implication maximale de tous.
Le « Adaptative management processes » permet de faire face à toute situation, et constitue une alternative à tout diagnostic prédictif.
Enfin via « l’Ownership risk » découle une responsabilisation individuelle très forte. Les risques sont introduits et gérés au niveau individuel pour un engagement positif des employés.


La responsabilisation des salariés y est maximale, avec bien sûr les avantages et les inconvénients que cela comporte, si bien que 50% d'entre eux n'ont de compte à rendre à personne et sont responsables d’eux-mêmes, du moins au sein de l'entreprise.



Mais il faut bien comprendre qu’aller au-delà des logiques de contrôle ne poursuit pourtant pas une finalité désintéressée. L’objectif est bien la performance.
Cependant nous avons pu nous rendre compte qu’il était alors difficile de proposer des indicateurs chiffrés des résultats de la banque si ce n’est le ratio coûts / revenus, qui est de l’ordre de 40 à 45% dans la banque mentionnée. Cependant si on se penche sur une approche qualitative, celle-ci vient confirmer le succès du modèle que nous vous présentons : Svenska détient de manière constante un taux de satisfaction de ses clients privés qui surpasse largement la moyenne de celui de ses concurrents.



Ce résultat ne nous surprend. En effet, de notre avis, le budget n’est pas un outil idéal dans le cas de la banque Svenska. En effet il est impossible de prévoir ce qui va arriver sur un marché complexe et fluctuant tel que celui de la banque. Il vaut alors mieux ne pas prévoir, et utiliser le temps ainsi dégager pour du travail productif. L’important pour nous est de ne pas laisser l’entreprise sans aucune forme de contrôle. Surtout dans un environnement décentralisé comme celui présenté. Cependant nous estimons que le système de contrôle de gestion mis en place par l’entreprise rempli parfaitement ce rôle. L’entreprise est définie en centres de profits autonomes, ce qui permet de suivre les revenus et les coûts de chaque unité et donc de l’entreprise, ce qui rend non nécessaire la présence de budget.

De plus l’adaptation des systèmes de rémunération nous semble pertinente. Il est en effet lié prioritairement à la satisfaction client, ce qui participe à canaliser les salariés autour de la vision de l’entreprise. Le système d’intéressement aux bénéfices mis en place nous semble intéressant puisqu’il permet une élimination des dépenses injustifiées.
Mais nous nous interrogeons sur ce qu’il peut se passer lors de l’arrivée de nouveaux collaborateurs ?
Enfin, en période de crise, alors que les clients risquent d’être plus rares, quelle est la pérennité d’un modèle dont la raison d’être est en danger ?



Convaincus par l’exemple de cette banque ? Si vous souhaitez en savoir plus, vous pourrez trouver sur le lien suivant http://www.juergendaum.com/news/02_24_2003.htm une interview de Lennart Francke, le directeur financier de la banque suédoise.

Il y explique les raisons qui ont amené la banque a opté pour une gestion sans budget et quelle est l’organisation actuelle du contrôle et en quoi performe-t-elle.

Cette interview peut être riche en enseignements !




Pertinence et conditions de réussite d’une gestion sans budget

Les débats autour de la suppression du budget laissent à penser que cette solution ait permis aux entreprises l’ayant mise en place d’en retirer des avantages. On peut alors se demander s’il est pertinent de trouver des alternatives au budget dans toutes les entreprises pour améliorer leur performance.

Il nous semble que dans certaines petites entreprises, le budget reste un bon outil pour prévoir les dépenses, et gérer l’entreprise. Le budget a surtout un caractère contraignant dans les secteurs évoluant rapidement et qui imposent à l’entreprise d’être capable d’effectuer des évolutions rapides. On peut également citer les entreprises confrontées à une multitude de clients et qui doivent pouvoir s’adapter aux nouvelles demandes et aux demandes spécifiques de chaque client. A l’inverse, une petite entreprise peut avoir une activité dans un secteur stable où la croissance reste constante avec une clientèle d’habitués. Dans ce cas l’outil budgétaire semble suffisant sans avoir besoin de réaliser des reprévisions au cours de l’année.

De plus le fait de supprimer le budget implique également toute une réorganisarion de l’entreprise. Cela suppose donc un changement de style de management avec un passage d’une gestion centralisée à une gestion décentralisée. Un dirigeant autoritaire voulant mener son entreprise selon sa propre vision des choses ne sera pas enclin à accepter une telle décentralisation. Au lancement de l’entreprise, on peut également supposer que le management sera aussi entre les mains d’un seul homme.

En résumé, pour nous, la méthode du Beyond Budgeting (gestion sans budget) ne s’applique pas dans de petites entreprises avec une monoactivité dans un secteur stable ou à des entreprises unipersonnelles. Il est pertinent de mettre en place de la décentralisation dans des entreprises organisées en services, lignes de production … . Dans les PME on peut aller encore plus loin en envisageant une gestion sans outils de contrôle. Vous pourrez retrouver cette problématique des outils de contrôle dans le blog suivant : http://ctbetpme.blogspot.com/


Troisièmement, la mise en place d’une gestion sans budget ne doit pas se faire seulement sur le papier mais doit être suivie par une réelle volonté de la direction et une bonne compréhension du système par chaque échelon.

Nous vous proposons de regarder les situations décrites ci-dessous et de vous demander si vous vous trouvez dans celles-ci :

·         Avez-vous vous aussi adopté ce rituel qui veut que chaque été commencent les travaux pour établir le budget de l’année suivante par de nombreux collaborateurs ?


·         Les membres de votre direction se rencontrent-ils pendant un certain temps pour essayer, en se fondant sur les résultats de l’année précédente, de la planification triennale, de l’évolution du marché et de certaines décisions stratégiques, de définir les chiffres clés de l’année suivante?

·         Cet instrument génère-t-il la structure des objectifs pour les entretiens de budget que le controlling mène en automne avec les responsables de secteurs?


·         L’évaluation, la rémunération et la gestion des performances se font-elles finalement en se fondant sur ce budget?


Si vous avez répondu oui à la majorité de ces questions, vous vous trouvez dans un système de gestion avec budget. Il faut à présent vous demander si vous vous sentez capable de supprimer vos pratiques et de les faire évoluer. Il faut aussi que vous jugiez si les membres de l’entreprise sont enclins à accepter ce changement et à l’intégrer. En effet, nous pensons que la disparition de certaines tâches rituelles peut déstabiliser car les personnes pourraient moins bien entrevoir ce qui est attendu d’elles.

                        --------------------------------------------------------------------------------------------

En résumé nous pensons que le budget peut être pertinent si l’activité est stable, peut être prévue de manière précise d’une année à l’autre, s’il n’y a pas d’évolutions importantes à prévoir, si la clientèle est connue et stable.

A l’inverse le budget peut être perçu comme un carcan dans des secteurs innovants, pour des strat up qui peuvent s’attendre à voir leur place sur le marché évoluer,  dans des secteurs où il y a beaucoup d’offre et où les clients ne s’adressent pas forcément à une seule entreprise et pour les grandes entreprises avec une structure complexe.


mercredi 14 mars 2012


Le Balanced scorecard : vers une dynamisation du budget?


Le balanced scorecard est un outil de planification stratégique et de management essentiellement utilisé par les entreprises, les gouvernements et les organisations à but non lucratif.

Ce concept de management se focalise sur la stratégie et la vision de l’entreprise. Cet outil de mesure de la performance a été élaboré en 1992 par Robert Kaplan et David Norton. Il permet de traduire la vision stratégique de l’organisation en actions concrètes. Le BSC traite ainsi de l’ensemble des dimensions d’une entité alliant des mesures financières à des mesures non financières. L’approche du tableau de bord prospectif s’articule autour d’indicateurs que l’entreprise doit mesurer de façon à balancer les perspectives financières. En plus de l’aspect financier, la dimension de la  performance se mesure via trois autres axes qui sont l’apprentissage organisationnel / développement, le processus interne et l’aspect client.


Les objectifs stratégiques de chacun des axes énumérés sont corrélés et forment la stratégie globale de l’entité.

Le tableau de bord est dit prospectif puisqu’il rééquilibre les objectifs à court terme et ceux à long terme selon les décisions prises par la direction.

Lorsque le BCS est correctement mis en place au sein de l’organisation, il devient le nerf central de l’entreprise.

 


Pour de plus amples renseignements sur la constitution d’un BSC je vous invite à consulter le site suivant :

Les critiques à l’encontre du BSC
Le BSC a connu un franc succès aux Etats Unis et dans certains pays européens scandinaves où la culture d’entreprise est largement développée, néanmoins son application en France reste limitée. En effet, le BSC n’apporte aucune valeur ajoutée par rapport à un tableau de bord classique utilisé en France qui allie déjà des indicateurs financiers et non financiers. De plus, il semble qu’il soit mal adapté au « style de management » français. En effet, le système de rémunération basé sur les performances n’est pas une méthode répandue au sein des organisations françaises. Les conséquences pourraient être dommageables d’un point de vue relationnel entre les employés et ainsi destructeur de richesse. Par ailleurs, les notions de « mise en œuvre de la stratégie » et  « d’énonciation de la stratégie » sont confuses et parfois mal comprises des dirigeants.    

On peut se demander en quoi l’utilisation d’un BSC pour une entreprise qui utilise déjà un tableau de bord constitué de ratios financiers et non financiers apporte une valeur ajoutée. De plus, il semble que cet outil ne soit pas adapté à tout type d’entreprise, on pense en particulier aux PME  qui ne disposent pas des ressources nécessaires pour sa mise en place. Les indicateurs choisis par l’entreprise doivent être pertinents au regard de la stratégie mise en place et l’entreprise doit avoir la capacité de les mesurer.  

Contrairement à certains courants de pensée, nous ne pensons pas que le BSC soit un outil de substitution au budget mais plutôt que le budget et le BSC sont complémentaires. Un tableau de bord est avant tout un outil de pilotage et d’aide à la prise de décision, c’est pourquoi il ne nous semble pas qu’il puisse remplacer toutes les fonctions du budget. Le budget est vivement critiqué pour son caractère statique alors que l’environnement actuel évolue constamment. Le BSC peut ainsi être la réponse à cette limite. C’est pourquoi, encore une fois selon l’entreprise en question, sa taille et sa structure, le BSC peut être un outil intéressant à développer au sein d’une entreprise en plus de son budget traditionnel. Par ailleurs, comme soulevé dans le post « le rolling forecast, une alternative au budget ? », le BSC utilisé en complément d’un budget glissant constitue un outil de contrôle fiable sur le long terme.