dimanche 15 avril 2012


L’impact de la gestion sans budget sur le management



Nous allons ici traiter de l’impact de la gestion sans budget sur les membres de l’entreprise en nous appuyant sur une interview de Nicolas Berland, maitre de conférences à Paris sud qui a réalisé une étude sur la gestion sans budget. Le but de la gestion sans budget est de redonner du pouvoir aux managers. Pouvoir qu’ils avaient eu tendance à perdre avec le contrôle de gestion. L’ambition est donc de passer d’un contrôle bureaucratisé à un contrôle impliquant les managers.

Les observations qu’a pu faire l’auteur en réalisant des interviews au sein des entreprises ou tout simplement en discutant avec des responsables, sont les suivantes :



« Beaucoup d’entreprises se posent énormément de questions sur le budget… sans jamais le supprimer ! De fait, la gestion sans budget n’est sûrement pas une solution universelle. Beaucoup d’entreprises s’accommodent de leurs budgets Mais les réticences sont aussi psychologiques. Les gens sont dubitatifs : « Supprimer le budget, très bien : mais par quoi  le remplacer ? On sait toujours ce qu’on perd, mais on ne sait pas ce qu’on gagne. »  Les directeurs financiers  sont en général les plus imperméables au nouveau discours, qu’ils trouvent intéressant … pour les autres. En leur exposant lors d’une conférence, l’exemple de Rhodia (cas étudié dans un précédent article) sans leur donner le nom de l’entreprise concernée –, beaucoup m’interpellaient : « Vous nous décrivez une PME. Tout cela ne peut pas s’appliquer à une grosse entreprise… ». Pour eux, adopter ces nouvelles pratiques reviendrait à scier la branche sur laquelle ils sont assis. En revanche, les managers ont une oreille beaucoup plus attentive. Car ce qui est critiqué dans le budget, c’est sa dérive bureaucratique. Le contrôle de gestion est souvent perçu comme trop tourné vers ceux qui produisent l’information et pas assez vers les besoins des managers. »



Il nous explique donc ce qui est recherché à travers une gestion sans budget :

« ce qu’il faut, c’est décentraliser. Ils nomment cela « devolution ». Donc on décentralise à outrance et les gens sont jugés sur leur rentabilité à court terme. La Direction générale se comporte comme un marché de capitaux, fermant et ouvrant des entreprises en fonction des opportunités… Savoir si ces pratiques sont généralisables n’est pas évident.

« ce que l’on veut, c’est redonner du pouvoir économique aux managers – pouvoir perdu au bénéfice du contrôle de gestion. Un jour, un contrôleur de gestion me fit remarquer que sa vie s’était singulièrement compliquée avec la mise en place de la gestion sans budget : « Avant c’était plus simple : on recevait des tableaux qu’il fallait remplir. » La personne a ensuite ajouté :  « Mais c’est tout de même mieux aujourd’hui car nous réfléchissons davantage à la stratégie. Les membres du comité de direction sont beaucoup plus impliqués. Nous arrivons à des choses plus constructives. C’est plus complexe, moins routinier et le résultat est plus riche. »  



Il nous semble donc que la gestion sans budget représente un nouvel enjeu pour la gouvernance et le management futur car il faut arriver à casser les structures mentales dans les entreprises qui définissent une manière de bien gérer. Les personnes qui pourraient éventuellement prendre la décision de faire évoluer la structure semblent très réticentes  au changement. On sent que certaines structures voudraient faire évoluer le budget sans forcément le supprimer mais que pour l’instant elles sont dans une position d’observation des entreprises qui se lancent dans l’aventure pour en observer les résultats avant d’y réfléchir pour leur entreprise. Nous ne prônons pas la suppression du budget comme une solution universelle mais nous pensons qu’il existe aujourd’hui un ensemble de pratiques en évolution autour du budget  dans lesquelles les managers sont invités à puiser des idées de réforme de leur système de contrôle.


2 commentaires:

  1. Bonjour,

    Très intéressante cette entrevue. Ceci met en lumière la rigidité des « vieilles habitudes ».

    Par contre, on semble énoncer que les changements nécessaires doivent simplement venir de l’interne. N’y aurait-il pas lieu d’initier le changement de paradigme au sein même de la formation des gestionnaires? Est-ce que ces nouvelles philosophies de gestion ont leur place au sein du curriculum actuel des écoles de gestion?

    Par exemple, dans le cadre du baccalauréat en comptabilité donné à la faculté d’administration de l’université Laval, la réalité de la gestion sans budget est effleurée dans une seule séance d’un seul cours (CTB-3103, cours de 3ème année). Ceci représente l’équivalent d’environ 2 heures sur tout un baccalauréat. Même si ces notions sont transmises avec toute la conviction du monde, cela semble bien peu pour initier un changement durable de mentalité. Les gestionnaires en devenir qui ont soif de connaissances et qui en sont à bâtir leur propre vision de la gestion et de ses outils devraient, selon moi, être initiés beaucoup plus tôt à cette nouvelle approche.

    Pour ce qui est de la place qui devrait être accordé à la gestion sans budget dans le cursus de formation actuel des écoles de gestion, celle-ci dépend uniquement des professeurs qui créent, actualisent et enseignent les différents cours.

    Il apparait donc que pour initier un changement de mentalité durable qui se reflètera dans le monde des affaires, il est nécessaire de convaincre les professeurs du bien-fondé des méthodes dont vous discutez afin qu’ils les incluent dans les cours. Croyez-vous cela possible dans l’optique où nous retombons encore dans la problématique de changer les « vieilles habitudes »? Sommes-nous donc dans un cercle vicieux?...

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  2. Ta remarque est tout à fait pertinente. En effet on continue de nous enseigner l'utilisation des budgets dits "classiques" même si nous sommes de plus en plus sensibilisés aux autres outils. Cela reste malheureusement de la sensibilisation car je pense qu'étant donné que peut d'entreprise s'engage dans d'autres formes de gestion, notre formation est calquée sur le comportement des entreprises. Pourtant nous sommes amenés à proposer de la nouveauté, de l'innovation dans les entreprises. Il serait donc judicieux comme tu le soulignes d'être formés à l'implantation de nouveaux outils de controle. Je pense que les professeurs attendent de pouvoir s'appuyer sur des recherches ou des cas supplémentaires d'entreprises ayant évoluer dans leurs comportements.

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